Le Rwanda, surnommé le « Pays des Mille Collines », s’est imposé comme l’un des producteurs de thé les plus respectés d’Afrique. Cette culture, initialement introduite par des puissances coloniales, est devenue l’un des piliers de l’économie rwandaise et un symbole de résilience et de renaissance. Plongeons dans l’histoire fascinante du thé rwandais, ses variétés distinctives, sa croissance remarquable et son statut actuel sur le marché international.
Les Origines du Thé au Rwanda : Une Introduction Coloniale
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le thé n’est pas une culture traditionnelle du Rwanda. Son introduction remonte à la période coloniale, dans les années 1930, lorsque les colons belges cherchaient à diversifier l’économie agricole du territoire sous leur administration.
Les Premières Plantations (1930-1960)
C’est en 1952 que les premières plantations commerciales de thé furent établies à Mulindi et Cyangugu par l’administration coloniale belge. Le choix du thé était stratégique : cette culture pérenne pouvait s’adapter aux collines rwandaises, résister aux maladies et offrir des rendements stables sur le long terme.
Les premières variétés introduites étaient principalement des cultivars Assam originaires d’Inde, sélectionnés pour leur robustesse et leur rendement. Ces plants trouvèrent dans les collines rwandaises un environnement idéal : altitude élevée, températures modérées, précipitations régulières et sols volcaniques fertiles.
Après l’Indépendance : Naissance d’une Industrie Nationale (1962-1994)
Après l’indépendance du Rwanda en 1962, le gouvernement national a rapidement reconnu le potentiel économique du thé. Sous l’impulsion du président Grégoire Kayibanda, puis de Juvénal Habyarimana, l’expansion des surfaces cultivées fut encouragée, avec la création de l’Office du Thé du Rwanda (OCIR-Thé) en 1974 pour superviser le développement du secteur.
Cette période vit l’établissement de plusieurs usines de transformation et l’expansion des surfaces cultivées. Le modèle adopté combinait de grandes plantations industrielles et l’implication de petits producteurs, jetant les bases d’un système de production inclusif.
Le Tournant Tragique : Impact du Génocide (1994)
Le génocide contre les Tutsis en 1994 eut des conséquences dévastatrices sur tous les aspects de la société rwandaise, y compris le secteur du thé. Les plantations furent abandonnées, les usines détruites ou endommagées, et de nombreux travailleurs qualifiés perdirent la vie. L’industrie du thé, comme le reste du pays, semblait anéantie.
La Renaissance : Reconstruction et Modernisation (1995-2010)
La reconstruction post-génocide du secteur théier rwandais constitue l’un des exemples les plus remarquables de résilience économique en Afrique.
Privatisation et Investissements
Sous la direction du président Paul Kagame, le gouvernement rwandais adopta une approche pragmatique : privatiser progressivement les plantations de thé pour attirer des investissements et moderniser les infrastructures. Cette stratégie porta rapidement ses fruits avec l’arrivée d’investisseurs expérimentés comme Rwanda Mountain Tea, qui introduisirent de nouvelles technologies et pratiques de gestion.
Focus sur la Qualité
Un changement stratégique majeur fut l’orientation vers la production de thé de haute qualité plutôt que la simple maximisation des volumes. Cette approche s’est avérée judicieuse, permettant au Rwanda de se positionner sur les segments premium du marché international, où les marges sont plus importantes.
Les Variétés de Thé Rwandais : Une Diversité Croissante
Le Rwanda cultive principalement des variétés de Camellia sinensis var. assamica, originaires d’Inde, particulièrement adaptées aux conditions d’altitude.
Thé Noir : L’Excellence Rwandaise
Le thé noir constitue environ 95% de la production rwandaise et se décline en deux types principaux :
Thé Noir CTC (Crush, Tear, Curl)
Produit selon la méthode industrielle CTC, ce thé se caractérise par sa couleur cuivrée intense, sa force et son infusion rapide. Les grades produits incluent BP (Broken Pekoe), BP1, BMPD (Broken Pekoe Dust), PF (Pekoe Fannings), PF1, PD (Pekoe Dust), D (Dust), D1, D2 et F1.
Ce type de thé est particulièrement apprécié pour les mélanges destinés aux sachets de thé et les marchés du Moyen-Orient et d’Asie centrale.
Thé Noir Orthodoxe
Produit selon la méthode traditionnelle qui préserve davantage l’intégrité des feuilles, le thé orthodoxe rwandais est réputé pour ses arômes complexes et sa finesse. Les grades comprennent OP (Orange Pekoe), OP1, FOP (Flowery Orange Pekoe), BOP1 (Broken Orange Pekoe), FBOP1 (Flowery Broken Orange Pekoe), FBOP et BOP1.
Ces thés sont particulièrement valorisés sur les marchés européens et nord-américains, où les consommateurs recherchent des expériences gustatives complexes.
Thé Vert : Un Secteur en Développement
Bien que moins répandu, le thé vert rwandais connaît un développement significatif, porté par la demande croissante pour ce type de produit sur les marchés internationaux. Les principales variétés produites sont le PEKOE, OP, OP1, FOP, BOP1, FBOP1, FBOP, FBOPF, DUST et DUST1.
Le thé vert rwandais se distingue par sa fraîcheur, ses notes végétales prononcées et son astringence modérée, caractéristiques recherchées par les amateurs.
Thés Aromatisés et Spécialités
Répondant aux tendances de consommation contemporaines, les producteurs rwandais ont développé une gamme diversifiée de thés aromatisés :
- Tangawizi Tea : Thé au gingembre avec du lait
- Ginger and Lemon Tea : Thé au gingembre et citron
- Lemongrass Tea : Thé à la citronnelle
- Chamomile Tea : Thé à la camomille
- Peppermint Tea : Thé à la menthe poivrée
De plus, des projets sont en cours pour développer des thés de spécialité à forte valeur ajoutée, tels que le thé blanc, le thé vert cuit à la poêle, le thé vert perlé et le Matcha.
Croissance et Développement du Secteur (2010-Présent)
Ces dernières années, l’industrie du thé rwandais a connu une croissance remarquable, portée par plusieurs facteurs clés.
Expansion des Surfaces Cultivées
Les surfaces dédiées à la culture du thé ont connu une expansion significative, atteignant plus de 26 000 hectares en 2022, contre environ 15 000 hectares en 2010. Cette expansion s’est faite à la fois par l’agrandissement des plantations existantes et la création de nouvelles zones de production.
Augmentation des Rendements
Grâce à l’adoption de variétés améliorées, de pratiques agricoles modernes et d’une gestion plus efficace, les rendements moyens ont considérablement augmenté, passant d’environ 1,5 tonne de feuilles vertes par hectare dans les années 1990 à plus de 8 tonnes par hectare aujourd’hui dans les plantations bien gérées.
Modernisation des Infrastructures
Des investissements substantiels ont été réalisés dans la modernisation des usines de transformation, avec l’introduction d’équipements de pointe pour le flétrissage, le roulage, la fermentation et le séchage. Ces améliorations ont permis d’accroître non seulement la capacité de production, mais aussi la qualité et la constance du produit final.
Formation et Recherche
Le Rwanda Agricultural Board (RAB) et l’Institut des Sciences Agronomiques du Rwanda (ISAR) ont intensifié leurs programmes de recherche sur le thé, développant des variétés mieux adaptées aux conditions locales et résistantes aux maladies. Parallèlement, des programmes de formation ont été mis en place pour améliorer les compétences des agriculteurs et des travailleurs du secteur.
L’histoire du thé rwandais illustre parfaitement comment une culture introduite durant l’ère coloniale peut être transformée en un moteur de développement économique national. De ses modestes débuts dans les années 1950 à son statut actuel de producteur de thé premium reconnu mondialement, le secteur théier rwandais témoigne de la vision stratégique du pays et de sa capacité à capitaliser sur ses atouts naturels.
A découvrir également comment le thé rwandais se porte aujourd’hui : L’État Actuel de l’Industrie du Thé Rwandais
